Un bel article des Nouvelles Calédoniennes sur notre frère Abdallah

La maturité du jeûne

Sophie Boltz
Crée le 03.06.2017 à 04h25
Mis à jour le 03.06.2017 à 04h25
Portrait. Il n’en est pas à son coup d’essai. Cette année encore, Abdallahi Diallo fait le ramadan. Comme de nombreux fidèles sur le Caillou, ce membre de l’Association musulmane de Nouvelle-Calédonie s’adonne au jeûne et aux prières. Plus qu’un rituel, cela fait partie intégrante de sa vie. Il évoque son expérience du jeûne et sa spiritualité.

« Durant cette prière, on prie même la nuit. On se doit de lire tout le Coran », affirme Abdallahi Diallo.
« Durant cette prière, on prie même la nuit. On se doit de lire tout le Coran », affirme Abdallahi Diallo. Photo Julien Cinier

Réveil à 4 h 30. Depuis le 27 mai dernier, Abdallahi Diallo, sa femme et son fils aîné se lèvent tous les jours de bon matin pour prendre le premier repas de la journée. Avant d’entamer le jeûne. Pour Abdallahi Diallo, membre de l’Association des musulmans de Nouvelle-Calédonie, impossible de ne pas le pratiquer durant ce mois de ramadan. « C’est sacré. C’est tout de même le quatrième pilier de l’Islam », rappelle-t-il.

Dès que le soleil point à l’horizon, ce cadre dans l’industrie agroalimentaire cesse de manger et de boire. Et prie cinq fois dans la journée. Privilégiant souvent les « prières de rattrapage » en soirée, lorsque son travail ne lui permet pas de les faire en journée. Un rituel mais qui demande beaucoup d’endurance, selon Abdallahi Diallo.

Expérimenté, ce dernier aborde le jeûne avec sérénité. « C’est plus facile à faire en Calédonie qu’en Métropole par exemple. Car ici le jeûne ne dure que douze heures et demie environ, alors qu’il peut durer dix-sept à dix-huit heures en Métropole », avance-t-il.

Il faut dire que l’homme, né dans une famille musulmane pratiquante, a connu des jeûnes plus difficiles dans sa Mauritanie natale. Comme celui de ses 14 ans. Son premier. « La faim, ça allait. Le plus compliqué, c’était la soif. Surtout dans un pays où il fait 45 °C à 48 °C. Je n’ai pas tenu le mois entier. Je n’ai fait que la moitié », se souvient-il.
« une éducation de tolérance »

À cette époque, Abdallahi Diallo, qui a appris à lire l’arabe, très jeune, sur les bancs de l’école coranique, ne se pose pas de question. Il se prive d’eau et de nourriture durant le ramadan. Comme tout le monde. « En Mauritanie, faire le ramadan était une démarche sociétale », relève-t-il. Durant cette période, sa ville Aleg, située dans le sud du pays, s’active le matin. Et dès 13 heures, il n’y a plus personne dans les rues.

Avec les années, il apprend à gérer ces longues heures sans eau, ni nourriture. Quelques années plus tard, alors qu’il est installé à Nouakchott, cité balnéaire, le climat plus clément, lui facilite la tâche.

Sa foi semble inébranlable. Exceptée l’année de ses 19 ans, alors qu’il étudie en Métropole. Abdallahi Diallo s’essaie à la médecine, puis se tourne finalement vers la biochimie et le domaine agroalimentaire. Loin de ses proches, il s’interroge sur ses choix religieux. « Pourquoi est-ce que je fais la prière ? Pourquoi est-ce que je fais le ramadan ? Suis-je sur la bonne voie. » Autant de questions qui le taraudent.

Il cesse de pratiquer pendant près d’une année. Avant de se rendre à l’évidence. « La meilleure chose que j’ai reçue, c’est cette éducation musulmane faite de tolérance et de partage, conclut-il. Un musulman se doit d’être bon envers qui que ce soit. Quand quelqu’un a besoin de quelque chose, on est obligé de lui venir en aide. »

Retour à la mosquée et à la fameuse prière du vendredi qui lui manquait tant. « C’est la prière la plus importante pour un musulman. Chez nous, le vendredi, c’est comme le dimanche pour les catholiques », compare Abdallahi Diallo.

Sa foi le suit jusqu’en Calédonie où il atterrit en 1999. En quête de repères, il cherche la mosquée la plus proche. Il rejoint rapidement la rue Mérano à la Vallée-des-Colons. « Je n’ai plus jamais quitté cette mosquée », souligne-t-il.

Depuis, Adhallahi Diallo s’y est fait des connaissances, mais aussi des amis. « J’y ai trouvé une famille, résume-t-il. On prie ensemble. On fait des sorties ensemble en dehors de la mosquée. Et surtout, nous ne parlons pas que religion. »

Celui qui a intégré l’Association des musulmans de Nouvelle-Calédonie en 2000 devient secrétaire adjoint de la structure. De l’accueil des pratiquants à la gestion du centre islamique, il participe à de nombreux débats. Une fonction qu’il n’a pas spécialement briguée, mais dont il s’est acquitté de bon cœur.

Son souhait le plus cher ? Transmettre sa foi à ses deux enfants. Ce qui semble bien engagé. Cette année, son fils aîné, âgé de 14 ans, jeûne pour la première fois. Et Adhallahi Diallo de lancer : « on verra s’il va jusqu’au bout. »

 

Bio express

1973 :

Naissance en Mauritanie dans une famille musulmane pratiquante

1977 :

Débute son apprentissage à l’école coranique

1987 :

Fait le ramadan pour la première fois

1991 :

Arrive en Métropole pour les études

1999 :

Arrive en Calédonie

2000 :

Intègre l’Association des musulmans de Nouvelle-Calédonie

2010-2015 :

Devient secrétaire adjoint de l’association

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